dimanche 22 mai 2011

NIGERIA : les journalistes victimes de violences électorales

Malgré des réformes et les promesses du président sortant Goodluck Jonathan de protéger la libre circulation de l'information tout au long de la période électorale, Reporters Sans Frontières a comptabilisé plus de trente atteintes à la liberté de la presse au Nigéria, entre janvier et avril 2011. Au moment ou les Nigérians étaient appelés à élire leur nouveau président, le 16 avril 2011, Reporters Sans Frontière (RSF) propose un coup de projecteur sur un pays au climat sociopolitique parmi les plus délétères pour la presse en Afrique.
 

Situé à la 145ème place, sur 178 pays, dans le classement mondial 2010 de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières, le Nigéria est un pays dangereux pour les journalistes. En dépit de quelques motifs de satisfaction - existence d'une presse variée ; adoption, le 16 mars 2011, par le Sénat, d'une loi sur la liberté de l'information permettant aux individus et aux organisations d'accéder aux informations officielles lorsque celles-ci ne mettent pas en danger la sécurité de l'Etat ; fort développement d'Internet - les agressions, menaces, intimidations, et arrestations abusives de professionnels des médias sont restées à un niveau alarmant au cours du premier trimestre 2011. 

Services de renseignements intérieurs et police : l'appareil sécuritaire de l'Etat face aux journalistes. Figurant pendant plusieurs années dans la liste des prédateurs de la liberté de la presse établie par Reporters Sans Frontières, avant d'en être retiré en 2010, le State Security Service (SSS, Services de Renseignements Intérieurs) est resté un organe de répression, multipliant les interpellations de journalistes. Le 8 janvier 2011, le journaliste américano-nigérian Okey Ndibe a été interrogé, retenu à l'aéroport de Lagos, et a vu ses passeports confisqués pendant deux jours. Nankpah Bwakan, journaliste pour le News Star, Francis Zhitta, journaliste pour Star Pointer, et Nandom Kura, journaliste pour le News Herald, ont été arrêtés le 10 mars 2011 et détenus pendant trois jours dans les bureaux du SSS de la région de l'Etat du Plateau (Centre-Est). Le SSS les a accusés de posséder des prospectus et de diffuser des propos diffamants contre le gouverneur Jonah Jang, propos que les journalistes démentent. Le ministre de l'Information de l'Etat du Plateau, Gregory Yenlong, a jugé que la sécurité de l'Etat était en cause alors que les journalistes collectaient probablement les prospectus afin simplement d'en étudier le contenu. Le 3 avril 2011, c'est le correspondant du journal Punch, Segun Olatunji, qui a été détenu pendant sept heures dans les bureaux du SSS dans l'Etat de Kaduna (Centre), vraisemblablement sur ordre du directeur du SSS, Yomi Zamba. Cette arrestation a fait suite à la publication d'un article intitulé "Angry Voters Set INEC Office Ablaze in Kaduna", relatant les réactions des citoyens suite au report de l'élection du 2 avril 2011. L'article a provoqué la colère des membres de la commission électorale indépendante (INEC) à Kaduna. Dans certains autres cas, la responsabilité du nouvel inspecteur général de la Police, Hafiz Abukabar Ringim, en fonction depuis septembre 2010, est avérée. Le 10 janvier 2011, Abdulazeez Abdullahi, directeur de publication du People's Daily, et Ahmed Ibrahim Shekarau, rédacteur en chef du bureau d'Utako, dans le district d'Abuja, ont été interrogés pendant six heures par la Special Investigation Unit, au quartier général des forces de police, suite à la publication d'un article affirmant que des gouverneurs de la province avaient versé d'énormes sommes d'argent à l'équipe de campagne du président Goodluck Jonathan et de son vice-président, Namadi Sambo. Le conseiller politique du Président, le Dr Akilu Sani Indabawa, avait déjà protesté contre cet article et menacé de porter plainte devant le ministre de la Justice du Nigéria. Enfin, Tukur Mamu, éditeur de l'hebdomadaire Desert Herald, à Kaduna (centre du pays, au nord de la capitale Abuja), fait l'objet d'une chasse à l'homme ordonnée par l'inspecteur général de la Police, a appris Reporters sans frontières. Averti de la menace qui pesait sur lui, le journaliste a réussi à échapper aux dix agents de sécurité qui avaient investi les bureaux du journal, dans la soirée du 12 avril, et confisqué des documents importants. Tukur Mamu avait déjà été arrêté en 2009 en raison d'articles considérés comme "nuisibles pour le gouvernement". 
 

(RSF/IFEX) - Le 14 avril 2011 - S'adressant à Ally Coulibaly, ambassadeur de Côte d'Ivoire en France, le 13 avril 2011, en marge d'un entretien sur l'affaire Guy-André Kieffer, Reporters sans frontières a appelé les nouvelles autorités ivoiriennes à respecter la liberté de la presse et à ne pas remettre en cause les acquis en la matière (loi sur la dépénalisation des délits de presse, acceptation de la presse d'opposition, etc). 

L'organisation estime que la crise dont a souffert la Côte d'Ivoire ces derniers mois a porté des coups très sérieux à la liberté de la presse : organes de régulation accaparés par le pouvoir, médias publics utilisés à des fins de propagande, journalistes dans l'incapacité d'exercer leur profession pour des raisons de sécurité, intimidations, censure. Les deux camps se sont rendus responsables d'actes qui ont mis à mal la production sereine de l'information. Le processus de réconciliation annoncé par le nouveau gouvernement doit englober les médias et les journalistes dans le respect de la pluralité des voix et de toutes les tendances confondues. 

"Nous ne ferons pas les mêmes erreurs. Nous savons que nous sommes attendus. Le président Ouattara tient à ce que chaque journaliste puisse faire son travail sans être inquiété", a affirmé Ally Coulibaly. 

S'agissant de la Radio-Télévision Ivoirienne (RTI), l'ambassadeur ivoirien a reconnu que le défi serait lourd. Ally Coulibaly est revenu sur les dérives observées dans ce média depuis plusieurs années et sur son utilisation comme outil de propagande diffusant des messages haineux au détriment de son rôle de service public. 

Reporters sans frontières a évoqué l'idée de clarifier les procédures de recrutement des journalistes au sein de ce média public. Les candidats pourraient être soumis à un test basé sur les compétences professionnelles et le respect de l'éthique du journalisme. Dans le même esprit, l'organisation a soulevé la question des organes de régulation des médias - le Conseil national de la presse (CNP) et le Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) - dont les pouvoirs doivent être respectés et dont l'indépendance doit être garantie. 

Reporters sans frontières fait savoir aux autorités ivoiriennes qu'elle sera très attentive à l'évolution de la situation et qu'elle se tient à leur disposition pour accompagner les efforts visant à garantir le respect de la liberté de la presse. 

L'organisation reste vivement préoccupée par les risques de représailles et de règlements de comptes qu'induit la forte polarisation de la presse ivoirienne, ainsi que par les conditions de sécurité de nombreux journalistes ivoiriens. Le 6 avril dernier, le directeur général de la RTI, Brou Amessan, a été passé à tabac par des éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI). Il a été blessé à la main et au pied. 

Plusieurs journalistes du groupe de presse Olympe, publiant les quotidiens Soir Info et L'Inter, restaient bloqués dans leur rédaction depuis le 31 mars, par peur de représailles dans certaines communes d'Abidjan. Un journaliste de L'Inter a été violemment pris à partie à un barrage par des partisans d'Alassane Ouattara dans le quartier de Treichville, le 11 avril. 

Certains journalistes proches de l'ancien pouvoir son entrés en clandestinité. D'autres restent menacés par les Jeunes patriotes liés encore à Laurent Gbagbo. Plusieurs quotidiens ivoiriens préparent leur retour imminent dans les kiosques. Enfin, Reporters sans frontières prend acte de la reprise de la diffusion, en Côte d'Ivoire, des chaînes TV5 Monde et France 24. Celles-ci avaient été suspendues, début décembre 2010, par le CNCA. 


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